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Vol. XI, An. 1918, Fasc. III-IV

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Typ. Collegii S. Bon aventuras AD CLARAS AQUAS prope FLORENTIAM

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MAURICE BEAUFRETON

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Extraotum ex Periodico

Archivum Franciscanum Historicum

Vol. XI, An. 1918, Faso. III-IV

TYP. COLLEGIl S. BONAVENTURAE

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L'iconographie de Christophe Colomb a longtemps passé pour un" problème insoluble, et l'un des historiens du grand navigateur, Barrisse, n'hésitait pas à écrire en 1884, que, de tous les portraits qu'on en a produits, « il n'y en a pas un seul qui soit authentique » (*). Depuis lors, un ouvrage assez confus, mais richement documenté, de Nestor Ponce Léon (2), et mieux encore une solide monographie d'Achille Neri (3), ont rendu possibles des conclusions moins radicalement pes- simistes. Peut-être estimera-t-on que le présent travail per- met de faire un pas de plus.

* *

Disons-le tout d'abord, les contemporains de l'illustre Génois ne se sont pas désintéressés d'en fixer les traits, au moins par la plume, et, parmi ceux qui l'ont vu, plusieurs ont noté l'impression qu'il leur avait faite. En 1501, Angelo Trevisan, secrétaire de l'ambassadeur vénitien Domenico Pisani, décrit, dans une de ses lettres, « Christophe Colomb, Génois, homme de haute taille, roux, de grand caractère, au visage oblong » (*). Le fils du navigateur, Fernando, écrit

(*) Harrisse, Christophe Colomb, Paris 1884, tome II, p. 166.

(*) Nestor Ponce de Léon, The Colombian Gallery, New- York 1893.

(3) La monographie d'Achille Neri est insérée dans la Raccolta di documenti e studi pubblicati dalla R. Commissione Colombiana, 2e partie, tome III, Rome 1894. (4) J'emprunte cette citation et les trois sui-

vantes à la monographie d'Achille Neri, loc. cit., p. 252. ^^é»*- ■" ^^

D1SCDSSI0NES. [375]

plus tard, un peu moins succinctement: « L'amiral était un homme bien fait, de taille au-dessus de la moyenne. Il avait un visage oblong; les joues pleines, sans tendance à la bouf- fissure ou à la maigreur; le nez aquilin; les yeux clairs; le teint blanc, allumé de vives couleurs. Ses cheveux, qu'il avait eus blonds dans sa jeunesse, devinrent entièrement blancs quand il eut atteint l'âge de trente ans » . Un autre témoin oculaire, Las Casas, qui a connu le texte que je viens de traduire, le confirme simplement en disant : « Il était de stature élevée, au-dessus de la moyenne ; il avait le visage oblong et plein d'autorité, le nez aquilin, les yeux bleus, le teint blanc tirant sur le rouge vif; sa barbe et ses cheveux, tant qu'il fut jeune, étaient rouges'; mais bientôt les tourments les lui firent blanchjr ». Enfin l'historien Oviedo nous montre Colomb « de taille et d'aspect satisfaisants, au-dessus de la moyenne, et les membres en proportion ; les yeux vifs et les autres parties du visage bien proportionnées elles aussi ; les cheveux très rouges et le teint quelque peu enflammé et marqué de taches de rousseur » .

* * *

Les peintres furent-ils aussi soucieux que les écrivains de nous conserver les traits de Colomb? Ils ne peuvent en tout cas l'avoir tenté qu'entre mars et septembre 1493, c'est- à-dire entre le premier et le second voyage de découverte, alors que le grand navigateur était dans tout l'éclat d'une gloire éphémère. Il y avait à ce moment, à la cour de Fer- dinand et Isabelle, un peintre officiel, Antonio del Rincon, singulièrement épris de l'Italie. en 1446, il était parti jeune pour ce pays, il avait étudié son art dans l'atelier de Domenico Ghirlandaio, et, à son retour, il avait été nommé peintre des rois catholiques. Assurément, rien n'indique qu'il ait fait le portrait de Colomb, mais il serait imprudent de conclure quoi que ce soit du silence des documents, pas plus que de l'inexistence actuelle de toute effigie colombienue qui puisse se réclamer de son nom. On ne possède en effet qu'une seule œuvre authentique de Rincon: La Vie de la Vierge, à la représentation de laquelle est consacré le re-

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table de Robledo (*), et il est bien évident que, durant sa carrière officielle, qui dura jusqu'à sa mort, en 1500, l'artiste eut l'occasion d'exprimer son talent en portraits que le temps ne nous a malheureusement pas transmis.

Quoi qu'il en soit, la plus ancienne mention d'un portrait de Christophe Colomb, parvenue jusqu'à nous, est due à Va- sari. Dans sa Vie de Cristofano dell' Aïtissimo, le père de la critique d'art nous raconte qu'en 1552 Cosme de Médicis envoya ce peintre à Côme, venait d'être transportée la galerie de Paul Jove, avec mission de reproduire nombre de portraits de personnages illustres. Cristofano reste quatre ans à Côme, y copie jusqu'à 74 tableaux, qu'il expédie à Florence, et voilà qu'à la date du 23 octobre 1556, il an- nonce l'envoi de deux nouvelles caisses de portraits, dont l'un porte cette simple, mais émouvante indication: Columbus.

Le tableau copié par Cristofano dell' Aïtissimo se trouve encore à Côme, dans la famille de Orchi, héritière de Jove. Il nous montre le buste d'un vieillard, le visage plein de calme, légèrement tourné à droite, plutôt oblong, avec de fortes joues, le nez quelque peu aquilin, de larges na- rines, le menton rond, coupé par une fossette. La lèvre in- férieure est proéminente; les yeux sont bridés; la tête est garnie de cheveux blancs, frisottants. Colomb porte un pour- point de couleur sombre, laissant légèrement dépasser la che- mise. En haut de la toile, des deux côtés de la tête, court l'inscription suivante: colombvs lygvr. novi orbis. reptor. L'artiste n'a pas signé son œuvre, et les critiques sont assez divisés sur le nom du peintre auquel on peut l'attribuer. Il semble cependant qu'on ne puisse guère chercher en dehors de Bartolomeo Suardi, dit le Bramantino, et de Se- bastiano del Piombo. Le premier vécut jusqu'en 1530, et ce qu'on sait de lui ne permet pas de penser qu'il soit jamais allé en Espagne. Quant à Sebastiano del Piombo, en 1485, il n'avait que vingt-et-un ans à la mort de Colomb, et il n'a pas quitté l'Italie avant 1510. Si donc le tableau de Côme doit être attribué à l'un ou à l'autre de ces ar-

(*) Marcel Dieulafoy, Histoire générale de l'art; Espagne et Portu- gal, Paris 1913, p. 194.

DISCUSSIONES. [377]

tistes, il ne peut avoir été fait d'après nature; tout au plus son auteur a-t-il eu en main quelque document graphique pris sur le vif, peut-être par Antonio del Rincon.

Tout comme le tableau de Côme, la copie faite par Cris- tofano dell' Altissimo nous est parvenue. On peut la voir à la Galerie des Offices, à Florence. On constate avec un peu de surprise que le copiste s'est permis de modifier la phy- sionomie de Colomb. Le visage est moins plein et un peu plus allongé ; le nez est plus aquilin ; l'œil est moins ouvert, plus enfoncé dans l'orbite ; les sourcils sont plus fournis ; les cheveux sont plus courts et, semble-t-il, moins blancs, ce qui donne à penser que Cristofano a voulu rajeunir son mo- dèle. La Legenda ne porte que ces deux mots: christovs

COLOMBO.

Toutes ces variantes, alors que l'artiste était chargé de faire une simple copie, sont assez inquiétantes; elles ré- vèlent combien peu les maîtres d'alors étaient soucieux de l'exactitude, et nous sommes en droit de nous demander si le tableau de Côme, en admettant qu'il n'ait pas été fait d'imagination, a lui-même reproduit fidèlement, sans la dé- former, l'image que son auteur pouvait avoir sous les yeux.

Le tableau de Florence n'en a pas moins joui d'une ré- putation aussi étendue que durable. Jefferson en possédait une copie, aujourd'hui conservée dans la bibliothèque de la Société historique du Massachusetts, et en 1893, Nestor Ponce de Léon écrivait encore : « C'est le plus ancien portrait de Colomb qui soit parfaitement authentique » (1). Quant au ta- bleau de Côme, il a servi de prototype à nombre d'œuvres plus ou moins importantes, parmi lesquelles on peut citer: le portrait du Belvédère (Vienne), exécuté en 1579 par ordre de Ferdinand Ier d'Autriche; le portrait florentin dit de Yanez, à la Bibliothèque nationale de Madrid; la gravure de Tobias Stimmer insérée dans la troisième édition des Eloges de Paul Jove(2); une gravure de Crispin de Pass (3) ; le portrait

(*) Nestor Ponce de Léon, op. cit., p. 8.

(2) Elogia virorum bellica virtute illustrium, Bâle 1575.

(3) Dans l'ouvrage, Effigies Regum et Principum quorum vis ac po- tentiel in 1-e nautica seu marina prae caeteris spectabilis est, Cologne 1598.

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de la mairie de Cogoleto, près de Gênes; enfin, le dernier en date, mais non en valeur, le portrait de la mairie de Rouen.

Jusqu'à la fin du XVIe siècle, le portrait de Côme passa pour la seule effigie authentique de Colomb, et tous les ar- tistes soucieux de figurer avec quelque vraisemblance les traits du grand navigateur ne manquaient pas de s'en in- spirer. Mais, en 1596, parut à Rome, dans un recueil de por- traits de grands capitaines (x), une gravure d'Aliprando Ca- priolo qui, bien que présentant avec le portrait de Côme d'indéniables analogies, en différait cependant sur plusieurs points essentiels. Elle nous offre un Colomb beaucoup plus jeune, aux cheveux demi-longs tombant sur les oreilles, qu'ils cachent presque entièrement. Sur le pourpoint vient se draper une grande cape' rejetée sur l'épaule.

Capriolo a malheureusement omis de faire connaître la source à laquelle il avait puisé, mais l'importance de son interprétation a de suite été reconnue, si bien qu'à partir de 1596 deux courants se manifestent dans l'iconographie colombienne : certains artistes continuent à s'inspirer du por- trait de Côme; d'autres, plus nombreux peut-être, suivent Capriolo. C'est de celui-ci que procèdent: la copie du comte Roselly de Lorgues, à une époque inconnue; la gravure de Giuseppe Calendi, en 1809 (2); la gravure de la traduction française de Navarrette, en 1828 (3); le portrait du Musée de la Marine, à Madrid, en 1838; le portrait offert en 1862 par le sculpteur Cevasco à la municipalité de Gênes.

En dehors des portraits que nous avons cités jusqu'ici se rangent les portraits apocryphes, soit que leur auteur ait conçu une œuvre d'imagination, soit qu'il ait voulu peindre

(*) Ritratti di cento capitani illustri con li lor fatti in guerra breve- mente scritti, intagliati da Aliprando Capriolo, e dati in luce da Filippo Thomassino e Giovan Turpino, Hoirie 1596.

(2) Notizie storiche e bibliografiche di Cristoforo Colombo di Cuccaro nél Monferrato, Rome 1809, p. 180.

(3) Relation des quatre voyages de Christophe Colomb, Paris 1828.

DISCUSSIONES. [379]

un personnage dans lequel on a cru voir, un jour ou l'autre, Christophe Colomb.

A la première catégorie appartient la belle gravure d'André Thevet (*), dont se sont inspirés Montanus (2), et Lar- messain(3). Une peinture flamande du XVIe siècle, acquise en 1833 par le musée de Versailles, a eu plus de fortune encore: elle a fourni à Théodore de Bry une gravure cé- lèbre (4) qui, combinée avec la gravure de Crispin de Pass dont nous avons parlé, se retrouve dans un médaillon du Palais municipal de Gênes. Mentionnons enfin une peinture espagnole de peu de valeur, qu'on peut voir au palais du Sénat, à Albany (Etats-Unis) et qui passe pour le plus an- cien portrait de Colomb qui soit dans la grande République américaine.

Quant aux portraits auxquels le nom de Colomb a été appliqué sans preuve suffisante, le premier en date paraît être un Lorenzo Lotto qui figure dans la collection W. Ells- worth, à Chicago. Ce tableau, fortement restauré au milieu du XIXe siècle, nous montre un personnage dont la main droite présente la carte marine publiée par de Ruysch en 1508, et dont la gauche, qui tient un sablier, s'appuie sur un livre d'Aristote. Colomb étant mort en 1506 n'a pu con- naître la carte susdite, mais est-ce bien lui dont Lotto a voulu fixer les traits?

On peut en dire autant du beau Parmigïanino du Musée national de Naples, dans lequel on tend à voir Gilberto Pio da

(*) Les vrais portraits et vies des hommes illustres grecz, latins, et payens recuillis de leur tableaux, livres, medaues antiques et modernes, par André Thevet angoumoysin, premier cosmographe du Roy, Paris, Kervert, 1584, t. II, p. 522.

(2) De Neuwe en onbekende Wereld of Besschryving von America en 't Zuydland, Amsterdam, Meurs, 1671.

(3) Académie des sciences et des arts, contenant les vies, et les éloges historiques des hommes illustres... avec leurs pourtraits tirez sur des origi- naux au naturel... par Isaac Bullart, Bruxelles, Ioppeus, 1682, t. II, p. 265.

(4) Elle se trouve dans un volume paru en 1595 à Francfort: Ame- rica pars quinta, sive insignis et admiranda historia de reperta primum occidentali India a Christoforo Columbo. Ce volume fait partie d'une grande collection de voyages, publiée de 1590 à 1634: Collectiones pere- grinationum in Indiam orientalem et Indiam occidentalem.

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Sassuolo, qui vécut de 1502 à 1570. De même pour l'Antonio Moro de la collection Gunther, à Chicago, et pour le portrait du Musée civique de Vicence (fin du XVIe siècle ou début du XVIIe) qui nous présentent un personnage moustachu, dont la tête est couverte de cheveux courts, alors qu'au temps de Colomb les gentilshommes portaient des cheveux demi-longs, coupés horizontalement, et se rasaient la moustache.

Un grand portrait en pied de ce type est conservé aux Archives des Indes, à Séville; c'est de lui que procèdent le portrait de Marian Manella (XVIIe siècle) possédé par le duc de Berwich y Liria, la gravure insérée en 1794 par Cristo- foro Cladera dans son ouvrage sur les découvertes maritimes des Espagnols (x) et le portrait en pied de la collection du duc de Berwich-Alba.

Signalons enfin pour mémoire le portrait offert en 1796 à la municipalité de la Havane par le duc de Veragua. L'in- scription: POR CASTILLA Y POR LEON NVEVO MVNDO AYO colon ne suffît pas à transformer un familier de l'Inquisition en découvreur de l'Amérique.

Comme on le voit, Achille Neri avait raison d'écrire en 1894: « Si l'on ne tient pas compte des apocryphes, les por- traits de notre navigateur se réduisent à deux types: celui de la galerie de Paul Jove et celui qu'a gravé Capriolo. C'est d'eux que dépendent tous les autres ». Mais le judicieux critique s'est peut-être trop avancé en ajoutant : « Ces deux premiers types ont entre eux des signes de ressemblance et de parenté si manifestes, que si nous les confrontons pour étudier lequel dépend de l'autre, il convient de donner la prééminence au portrait de la galerie de Paul Jove et de le considérer comme l'archétype, tant en raison de son mérite intrinsèque que de la preuve historique de son ancienneté » (2).

* *

Tout d'abord, c'est un critérium plutôt singulier que de juger de la valeur iconographique d'un document par son

(*) Investigaciones histôricas sobre los principales descubrimientos de los Espanoles en el mar Océano en el siglo XV y principios del XVI, Madrid 1794. (2) Achille Neri, loc. cit., p. 271.

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plus ou moins grand mérite intrinsèque. A ce compte, au médiocre portrait d'après nature que le frère Jean de la Mi- sère a fait de sainte Térèse, il faudrait préférer le Ribera du Musée de Valence ou le Murillo des Carmélites de Quito. D'autres part, Capriolo n'a pas fait connaître la source à la- quelle il a puisé, et c'est aller un peu vite que de conclure de l'antériorité du portrait de la galerie de Paul Jove à la dépendance de la gravure de Capriolo. C'est, si je ne me trompe, le sophisme bien connu: Post hoc, ergo propter hoc, et l'on peut toujours se demander si Capriolo ne s'est pas inspiré d'un autre document que le portrait de Côme. Or, ce document existe, et Capriolo s'est borné à le copier.

La collection S. N. Sherman, à Rome, contient un re- marquable portrait de Colomb, peint à la détrempe sur toile. Ce portrait, qui mesure m. 0,66 de hauteur sur m. 0,48 de largeur, nous donne du grand navigateur une effigie iden- tique à celle qu'a publiée Capriolo. Les yeux sont toutefois beaucoup plus vivants, et le costume présente quelques va- riantes sans importance: Colomb porte un col mou, rabattu, et sa cape, d'un vert sombre, laisse apparaître un pourpoint rouge, garni d'une admirable passementerie d'or. Au-dessus de la tête court l'inscription: christophor. colvmbvs. Ce tableau a beaucoup noirci, de sorte qu'il est impossible de dire quelle pouvait être originairement la teinte des che- veux, ces cheveux que les historiens nous affirment avoir été très rouges, mais on ne peut hésiter à déclarer qu'il est l'œuvre d'un grand coloriste vénitien. .Son origine vénitienne et son âge sont attestés par la toile sur laquelle il est peint. C'est une simple toile à voile vénitienne, à raies blanches et noires, telle que celle dont on garnissait les caravelles au temps de Colomb, et cette particularité, peut-être unique dans les annales de la peinture, atteste chez l'artiste une volonté de symbolisme transparent.

Le tableau ne porte ni signature ni monogramme, mais les meilleurs juges y reconnaissent le main de Titien, un Titien qui se sent encore de l'influence de Giovanni Bellini, avec toutefois plus de vigueur que n'en avait le vieux maî- tre. Il convient de le rapprocher à cet égard de l'Ecce homo de la Scuola di San Rocco, à Venise, peint par le jeune

[382] l'iconographie de Christophe colomb. 11

Vecellio entre 1500 et 1502. C'est la même recherche d'ex- pression de la souffrance morale, et à cet égard le portrait de Colomb est d'une puissante nouveauté. Titien avait ren- contré, dans l'atelier des Bellini, un certain Jacobo de Va- lence, qui vécut jusqu'en 1509. C'est sans doute par ce mé- diocre confrère qu'il connut l'image tracée en 1493 par le présumé Rincon. Sans souci de l'impopularité dans laquelle était tombé le grand navigateur, il vit l'occasion de fixer une émotion humaine, peut-être en vue de YEcce homo.

Ajoutons que le François Ier du Musée du Louvre sera peint plus tard dans des conditions quelque peu semblables. Une médaille donnant le profil sensuel du roi fournit à Titien l'occasion d'un autre chef-d'œuvre, qu'on jurerait fait d'après nature, s'il n'était acquis qu'en 1539, l'Arétin en fit présent à François Ier, celui-ci n'avait jamais rencontré le brillant artiste. Le Colomb, peint par Titien dans sa jeunesse, comme le François Ier de sa maturité, le disputent également à la vie, parce qu'ils sont tous deux la cristallisation d'une émotion.

Cette émotion ne se rencontre plus dans le portrait de Côme. Il est d'une littéralité documentaire, et semble fait pour illustrer la relation de Fernando, le fils de Colomb. Celui-ci étant venu à Venise en 1521, on peut se demander si ce n'est pas lui l'inspirateur de cette vénérable peinture, pâle décal- que de la réalité douloureuse. Colomb est devenu un vieillard paisible, sans qu'on puisse dire s'il est blanchi par les ans ou par les chagrins. Les traits sont ceux qu'avait tracés Titien, sans doute parce que le même document a inspiré les deux artistes, mais, pour rendre sensible les tourments dont parle Las Casas, l'auteur du portrait de Côme n'a trouvé d'autre moyen que de surcharger Colomb de quinze à vingt ans. Son œuvre est d'un peintre que ne doublait point un psy- chologue, ce qui l'empêche de prendre place au premier rang. Si, comme le dit Léonard de Vinci, la peinture est chose men- tale, c'est au Titien de la collection Sherman qu'il faut de- mander de nous révéler le vrai Colomb.

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